Dans les Landes, la place de la voiture est prépondérante. Près de 90% des déplacements domicile-travail s’effectuent avec ce mode de transport. Ce chiffre est nettement supérieur aux moyennes régionales ou nationales (81 et 68 %). L’autosolisme est également très important, avec un taux d’occupation moyen par véhicule de 1,08 % ! Dans ce territoire où seulement 5 communes sur 327 comptent plus de 10 000 habitants, rouler est un enjeu social ; il s’agit de ne pas être isolé et surtout, d’obtenir ou de conserver un emploi. Dans les villages ruraux, on est éloigné des complexes touristiques du littoral ou des bureaux et commerces des grandes villes de Dax et Bayonne qui offrent du travail. Il existe des zones d’activité plus proches mais elles sont souvent loin des gares et mal desservies en transports en commun. Leur logique d’implantation reste l’accessibilité par une voie rapide, voire une autoroute.
La question soulevée par l’Atelier des territoires est complexe, car derrière les mobilités rurales, c’est le développement économique et résidentiel qui est en jeu, ainsi que le développement du lien social et intergénérationnel. Favoriser les déplacements et l’accessibilité à l’emploi ou aux services depuis les villages landais, c’est leur donner la possibilité de ne pas devenir les territoires relégués de demain. L’attractivité du littoral est en grande partie responsable d’une hausse du prix du foncier, qui ne fait qu’éloigner les populations les moins favorisées plus loin dans l’intérieur des terres. Or, il est essentiel pour les territoires ruraux de maintenir et d’attirer des habitants qui ont du pouvoir d’achat, des enfants qui repeuplent les écoles, des actifs désireux de préserver et organiser les ressources intrinsèques et valorisables du territoire : biodiversité, eau, éolien, solaire, méthanisation, filière agricole et sylvicole locale…
Améliorer l’offre et les conditions de déplacement à l’intérieur des territoires ruraux et vers les grands pôles urbains attracteurs (Bayonne-Anglet-Biarritz, Dax-St Paul les Dax…) permet de conforter la revitalisation des villages, et offre une alternative au développement des lotissements dortoirs autour des grandes villes, qui mitent les terres agricoles. C’est répondre à la question de la transition écologique de façon plus complète que par la seule réduction des gaz à effet de serre. Les crises économiques, sociales, et maintenant sanitaires, ont mis en avant la nécessité de réfléchir globalement à une politique d’aménagement durable du territoire. Tout projet de développement résidentiel et économique se doit d’intégrer, outre les enjeux de mobilités pour tous, la gestion des risques (inondations, canicules, feux de forêt), la préservation de terres naturelles (pour le maintien de la biodiversité ou de la perméabilité des sols) et agricoles (pour répondre aux besoins de se nourrir «au plus près») et la lutte contre toutes les sortes de pollutions (de l’air, de l’eau, mais également visuelles et sonores). Mener une réflexion globale, permettant de réaménager l’existant, en offrant la possibilité de trouver à disposition tous les équipements et services utiles, de consommer localement et de répondre aux besoins énergétiques au plus près, est indispensable aujourd’hui.
Des solutions alternatives à la voiture sont possibles. Sur la communauté de communes de Maremme Adour Côte Sud, elles s’appellent Yego, Rézo pouce, Vely,… Sur la communauté de communes Orthes et Arrigans, Trans’Orthes… Bus structurants ou à la demande, aires de covoiturage, organisation de l’auto-stop, encouragement financier à l’autopartage : se déplacer prend un autre visage. Améliorer la mobilité dans le rural oblige à changer de logiciel : il ne s’agit pas de dimensionner une infrastructure de transport en regardant une carte de densité de population, mais de partir de l’usager là où il habite, et de chercher à optimiser ses déplacements sans idée préconçue de l’infrastructure de transport qu’il doit utiliser. Pour certains, il sera plus facile de rejoindre une station de bus en vélo, pour d’autres, ce sera l’autopartage ou le bus à la demande. Il est nécessaire de bien comprendre d’une part où sont les dynamiques de développement économique et résidentiel dans les communes rurales et d’autre part quels sont les modes de vie de ses habitants – des modes de vie qui ne cessent de se renouveler. C’est ce que vise la démarche d’Atelier des territoires qui vient d’être lancée : recenser avec les intercommunalités et communes rurales du sud des Landes, les acteurs locaux et les porteurs de projets, les dynamiques de développement et identifier la diversité des usages existants et à venir. L’objectif est d’éclairer toutes les parties prenantes à commencer par les collectivités impliquées sur le besoin en mobilité et d’esquisser des pistes d’action.
Assurément, il faudra être sur plusieurs fronts: continuer à innover en partant du besoin de l’usager, articuler les solutions de mobilité entre elles, adapter au besoin les périmètres de gouvernance des syndicats de transport à la géographie réelle des déplacements…, et surtout coordonner la politique de déplacement et d’aménagement pour que l’offre de mobilité aille dans le même sens que les dynamiques de développement résidentiel et économique plus soutenables. La crise Covid-19 a accentué la reconquête de ces territoires « en creux » et redoré pour partie leur attractivité. C’est le moment ou jamais de penser globalement leur développement
Marie Evo, D&A
Extrait de la lettre de capitalisation n°1