Agir pour une autre mobilité, une clé d’entrée pour la transition vers un aménagement durable

Aller au-delà de l’argumentaire politique ou technique pour enrichir les problématiques réelles et quotidiennes de l’usage

Un projet de territoire, pour qu’il soit bien approprié, se construit pour et avec le public. La mobilité, thème de l’Atelier du Sud des Landes, concerne tout un chacun, quel que soit son âge, son genre, son niveau de qualification, sa profession, son lieu d’habitat, son lieu de travail ou d’études, ses activités, etc. Chaque citoyen se déplace pour un objectif, un motif particulier, qu’il soit contraint ou choisi. Et sur la Communauté de communes de Maremne Adour Côte Sud (MACS) et la Communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans, ce sujet est prégnant.

En effet, ces deux territoires, respectivement sur la frange littorale et en rétro-littoral sont particu- lièrement marqués par les problématiques de mo- bilité. D’une part, la frange littorale subit un afflux démographique fort. L’attractivité de ce secteur en est la cause et a induit une envolée des prix des logements générant un repli d’une catégorie de la population vers les secteurs plus ruraux en rétro-lit- toral. C’est un public qui se trouve ainsi captif de l’usage de la voiture en auto-solisme bien souvent, face au manque d’alternatives de déplacements. D’autre part, un flux touristique saisonnier vient saturer les infrastructures en frange littorale avec un impact direct sur les déplacements pendulaires et l’activité économique notamment celle qui n’est pas liée au tourisme. Ces territoires se situent sur un axe stratégique de lien avec l’Espagne générant ainsi un flux de transit important.

’articulation des flux de transit, touristiques et pendulaires revêt ainsi une importance forte pour le bon développement de ces territoires. Il s’agit de pouvoir gérer la sur-fréquentation estivale, de garantir la fluidité des mobilités de transit et d’ac- compagner la migration progressive d’une certaine population vers le rétro-littoral, territoire en pleine mutation qui doit appréhender ces changements de manière systémique.

La mobilité n’est donc pas une fin en soi. Elle évolue parce que nos besoins, nos contraintes, nos oppor- tunités évoluent. Traiter la mobilité sans lien avec l’aménagement des territoires, la préservation des paysages et des espaces, le développement écono- mique, etc., n’a pas de sens. Cela doit être fait dans une approche globale, les habitants et usagers res- tant les bénéficiaires des décisions prises.

Impliquer le public dans une réflexion sur la mobi- lité est donc une évidence, même si l’expérience montre que ce n’est pas systématique dans des études souvent sectorielles ou limitées à du « dire d’experts ». La mobilisation effective du public (en l’occurrence, des associations et représentants de la société civile dans le cas de l’Atelier) offre une garantie de dépasser l’aspect « sectoriel » du sujet. Les idées exprimées permettent d’aller au-delà de l’argumentaire politique ou technique général pour enrichir directement les problématiques réelles et quotidiennes de l’usager. Cette implication aide aussi à identifier et à faire le lien avec des théma- tiques supplémentaires, non identifiées au départ. À titre d’exemple, la question de la consommation locale et des circuits courts s’est invitée au débat en y prenant une place importante. La manière de produire localement ou d’accéder à ces biens de consommation de proximité sont aussi perçus comme des réponses à la question de la mobilité.

Cette mobilisation permet aux élus de recueillir le point de vue des habitants ou des représentants de la société civile sur leur pratique de déplacement au quotidien, d’écouter les besoins, les difficultés vécues ou ressenties et de partager les bonnes expériences. Plus globalement, cela permet d’en- tendre et de comprendre la manière dont les ha- bitants perçoivent leur territoire et expriment les enjeux de son développement. C’est ainsi recon- naître aux citoyens une certaine expertise dans leur quotidien.

Dans le contexte de la transition écologique, œuvrer à l’amélioration du territoire vécu et appré- hender le plus en amont possible les leviers pour se déplacer plus durablement, y compris pour les personnes actuellement très captives de la voiture individuelle, nécessite d’impliquer tous les acteurs.

Dans le contexte de la crise sanitaire que nous tra- versons, qui a aggravé les inégalités existantes (si- tuation d’enclavement accentuée, accès limité aux moyens de transport, aux services et commerces, possibilité de télétravail ou non, etc.), cette impli- cation a encore plus de sens pour identifier des le- viers d’actions plus solidaires, collectifs, partagés et inclusifs. Par rapport à la question de l’Atelier, sortir d’un usage exclusif de la voiture en milieu rural ne répond pas seulement à une volonté individuelle mais nécessite des solutions alternatives qui ne se limitent pas aux questions d’infrastructures.

Mettre à jour des questionnements et des solutions concernant la manière dont les collectivités peuvent répondre à des besoins concrets

L’Atelier a aidé à situer la réflexion sur la mobilité et l’accès à l’emploi et aux services en termes de géographie, à travers des parcours d’usagers, des retours d’expériences et des témoignages. Parmi les questions qui ont émergé : comment répondre à des besoins individuels de mobilité par des so- lutions collectives ? Quels seront les itinéraires à consolider en termes d’infrastructures ou d’amé- nagement pour assurer une meilleure desserte jusqu’aux lieux de travail ? Le sujet de la mobilité n’est-il pas d’abord un sujet d’aménagement ? Il a aussi servi à contextualiser et à prioriser de nom- breuses injonctions : inventer des itinéraires doux ; favoriser des déplacements actifs ciblés entre lieux de vie et lieux de travail pour répondre aux besoins des salariés ; faire cohabiter enjeux mobilitaires et environnementaux ; réduire la place de l’auto-so- lisme au quotidien ou la prise en charge du trajet domicile-travail par la ou les entreprise(s) se re- groupant sur une même zone avec un transport collectif commun…

Le fait d’impliquer des entreprises a permis de bé- néficier de témoignages d’acteurs qui doivent à la fois répondre à des contraintes économiques qui leur sont propres (localisation et disponibilité de locaux adaptés à l’activité, contraintes financières, etc.) mais également aux besoins et contraintes de leurs propres salariés. Cela a par exemple été le cas du témoignage de l’entreprise Patatam, spécialisée dans la revente de vêtements de seconde main pour femmes et enfants, installée à Hastingues. Des besoins d’entreposage plus importants ont amené l’entreprise à quitter Bayonne pour s’im- planter une trentaine de kilomètres plus loin, au sud-ouest de Peyrehorade, impactant notamment les déplacements quotidiens des salariés. Outre la mobilité liée au travail, ce retour d’expérience a soulevé des questions relatives au foncier pour les activités économiques, aux interactions et coopé- rations entre les territoires, et aux capacités d’ac- cueil des communes. L’Atelier a ainsi contribué à mettre à jour des questionnements mais aussi des solutions concernant la manière dont les collectivi- tés pouvaient répondre à certains besoins concrets des employeurs d’un territoire.

Ces témoignages ou parcours d’usagers permettent de valoriser à la fois des expériences, qu’elles soient des réussites ou des échecs, mais aussi les solutions mises en place sur les territoires. Ils apportent une réelle plus-value dans un processus d’amélioration de l’action publique, et ceci dans une approche prospective qui est nécessaire.

Le partage d’expériences pour faire émerger un autre regard sur les dispositifs existants et leur donner l’opportunité d’être réorientés

L’Atelier a fait découvrir et partager entre les par- ticipants des deux EPCI et partenaires de la dé- marche certaines expériences ou actions mises en œuvre, en particulier par les associations, sur leur territoire ou le territoire voisin.

L’exemple de l’expérience de « Rezo Pouce » sur la Communauté de communes Maremne Adour Côte Sud a été souvent mis en avant. Cette solution de mobilité solidaire est considérée comme un échec de la part de la collectivité et des usagers qui l’ont testée (peu d’inscrits sur la plateforme, points d’ar- rêts non visibles, réseau non connu…). Pour autant, les entreprises participant à l’Atelier ont exprimé un avis opposé et se sont révélées intéressées par l’expérience. Cela pourrait être une des réponses pertinentes à leurs propres problématiques de dé- placement. Le partage d’expériences a fait émerger un autre regard sur ce dispositif « en panne » et lui a donné l’opportunité d’être réorienté. Il est même envisagé aujourd’hui de relancer voire d’améliorer le dispositif !

Dépasser les difficultés pour changer de modèle pour habiter, se déplacer, consommer, en tirant parti des ressources et aménités locales

La transition sur ces territoires landais réussira si, collectivement, nous comprenons la nécessité et dépassons les difficultés pour changer de modèle pour habiter, nous déplacer, consommer, en tirant notamment parti des ressources et aménités locales.

La réflexion menée autour du changement de lo- giciel de la mobilité actuelle en secteur peu dense est une impérieuse nécessité. Les différents acteurs réunis dans le cadre de l’Atelier ont pu échanger sur les multiples enjeux associés à cette thématique et ont mis en évidence que des solutions plurielles sont la plupart du temps nécessaires à l’évolution des pratiques. Outre l’amélioration des réseaux solidaires, la promotion des mobilités actives et accessibles ou le recours à l’intermodalité, l’asso- ciation de ces deux territoires limitrophes dans le cadre de l’Atelier a, quant à elle, mis en évidence la problématique de la continuité des réseaux au-de- là des limites administratives. Si les capacités d’in- génierie disponibles au sein de ces territoires sont importantes dans la mise en œuvre des actions, l’association de la société civile s’avère non seule- ment précieuse pour comprendre les besoins mais aussi pour co-porter les nouvelles solutions de mo- bilité à déployer.

Atelier 2 – jeu de rôle Mob(i)Landes

Fabienne Bogiatto, Jean-François Mozas et Alexandra Côme

Extrait de la lettre de capitalisation n°3

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